LE LABORATOIRE VOCAL Cours de chant en français à Berlin

Nina Simone - Feeling good (issu de l’album « I put a spell on you » - 1965)

Toujours un plaisir de travailler sur ce morceau de légende! Nina Simone a associé les Work Songs (chants de travail dans le contexte de l’esclavage) au Gospel par le biais de l’improvisation Jazz. Elle possédait l'âme de l'Église Noire, la connaissance harmonique d'un musicien classique et un feu brûlant pour la justice sociale.
Mélangez le tout et vous obtenez une icône de la musique moderne.


Dead Can Dance / Lisa Gerrard / La voix libérée du texte

Dead can Dance est un groupe unique ayant évolué de la cold wave à un style inspiré des musiques du monde. Ce qui m'intéresse beaucoup chez la chanteuse Lisa Gerrard est sa liberté vocale débarrassée du texte. On peut aussi raconter des émotions et des paysages sans mots, sans avoir de compromis à faire avec une structure langagière. Ce morceau, "Rakim", est une sublime pièce où Lisa Gerrard et Brendan Perry font se rencontrer le langage inventé et la langue anglaise (qui n'est utilisée que dans la dernière partir du morceau). Bon voyage à vos oreilles!

Dead Can Dance - Rakim from Dolce Vita on Vimeo

Iva Bittova - s'amuser avec sa voix

On a le droit de tout faire avec sa voix. Iva Bittova entremêle chant et jeux vocaux. Sa voix interragit également constamment avec son violon. Bittova sautille, claque, tire, pince... elle se déplace comme un lapin sur sa partition. Il y a quelque chose d'enfantin non seulement dans sa voix mais dans la liberté qu'elle prend avec. Pour le plaisir du jeu. Faire de la musique c'est aussi jouer dans le sens premier du terme.

Billie Holiday - Strange Fruit

Billie Holiday est une des personnalités vocales de mon panthéon car elle a énormément influencé ma vision de la musique et de l'interprétation.
Une artiste sublime:



Ses mouvements vocaux sont d’une élégance serpentine. Elle glisse de note en note en dessinant des arabesques. Sa façon de le faire témoigne de cet abandon dont elle fait preuve lors de sa performance vocale. sa voix est profonde, vivante et habitée.

Le chant diphonique - Bayarbaatar Davaasuren - Mongolie

J'ai eu le plaisir de suivre un workshop avec Bayarbaatar Davaasuren au GMVL. La technique de chant diphonique "khöömii" est très physique car elle nécessite une tension abdominale intense alliée à un souffle très prolongé. La gorge et les cordes vocales sont mises à rude épreuve c'est pourquoi je conseille à toute personne débutant dans cette technique de ne pas dépasser le seuil de la douleur. Cette technique vocale vient littéralement creuser dans la chair pour en faire sortir les sons les plus organiques, les plus profonds. J'ai été subjuguée par les sons que cette technique m’a permis d’émettre!

Voici Bayarbaatar Davaasuren en concert:



Je vous invite également à découvrir son spectacle "Contes de la terre du ciel bleu" en collaboration avec Bernard Fort, compositeur et professeur de musique électroacoustique.

Un autre chanteur, Enkh Jargal dit Epi, originaire de Mongolie du Nord:



Arrivé en 1993 en Allemagne il n’a pas abandonné pour autant son héritage musical. Il explore le chant harmonique (xhöömei) ainsi que le chant de gorge chamanique (kargyraa) en s’accompagnant du merin khour, vièle à tête de cheval traditionnelle des cavaliers mongols.

KLAUS NOMI - L'incarnation dans l'interprétation

Klaus Nomi est un chanteur allemand venu d'une autre planète. Il disait qu'Elvis Presley était son père spirituel et Maria Calas sa mère spirituelle. Il était parvenu à marier l'opéra et les musiques en vogue dans les années 80, un mélange détonnant pour un personnage venu d'ailleurs.

Klaus Nomi lors du festival Sigma à Bordeaux en 1981:
"Je pense que l'opéra est une musique relativement conservatrice et j'ai découvert que beaucoup de la musique rock n'roll est également conservatrice. C'est pourquoi je cherche un pont pour réunir ces deux éléments.(...) Je chante en public avec une voix d'opéra pour apporter quelque chose de plus au rock n'roll parce que dans un concert rock le chanteur s'adresse au public alors que dans l'opéra le chanteur ne s'adresse qu'à son partenaire et à l'intérieur d'une histoire. Le public regarde cela comme une image, moi je veux transporter cette image dans la salle."

Je vous propose d'écouter et de regarder Klaus Nomi interpréter l'air du génie du froid (acte III, scène 2) de l’opéra « Le Roi Arthur » du compositeur anglais Henry Purcell (1659-1695).



Nomi est hypnotisant lors de cette performance et jamais je n'en ai vu de meilleure même de sa part. On a la sensation de marcher sur une corde raide avec lui - c'est insoutenable et magique à la fois. Sa version studio est loin de cette intensité.
Nomi est lors de ce concert à bout de souffle. Il mourra très peu de temps après du sida.
Si vous regardez encore une fois le document en sachant cela alors vous repèrerez très vite les signes d'épuisement et de lutte. On sent ses muscles se contracter, son souffle s'accrocher pour délivrer les sons, tout son corps est vibrant et il nous emmène avec lui au bord du vide. Cette fragilité rend le tout d'une splendeur inégalable. C'est cette faille dans le contrôle de lui-même qui nous fait vibrer. Dans mon travail avec mes élèves, je cherche cet équilibre entre technique vocale et lâcher prise.

Voici le texte de cet air:

« What Power art thou, who from below
Hast made me rise unwillingly and slow
From beds of everlasting snow?

See'st thou not how stiff and wondrous old
Far unfit to bear the bitter cold,
I can scarcely move or draw my breath?
Let me, let me, let me freeze again to death »
(Source Internet : OperaGlass)

Traduction :

« Quelle puissance es-tu, toi qui, du tréfonds,
M'as fait lever à regret et lentement
Du lit des neiges éternelles ?
Ne vois-tu pas combien, raidi par les ans,
Trop engourdi pour supporter le froid mordant,
Je puis à peine bouger ou exhaler mon haleine ?
Laisse-moi être transi, laisse-moi mourir à nouveau
de froid ! »
(Source Internet : Cours Maintenon)


L'interprétation c'est comme lorsque vous sentez que votre interlocuteur sourit à l'autre bout du fil, vous ne le voyez pas mais vous le sentez dans sa voix.

Extrait d'une interview sur TF1 en 1981:

TF1: "Klaus Nomi si vous aviez un seul mot pour décrire votre musique..."
KN: "L-O-V-E, parce que c'est une offrande et on ne donne quelque chose que quand on le ressent profondément."